Justice : l’inspecteur du travail peut demander le retrait des salariés exposés à un danger

La Cour de cassation a donné raison à un inspecteur du travail qui – sur demande du CHSCT – avait ordonné en référé le retrait des salariés et l’arrêt de travaux engagés dans un atelier contaminé par l’amiante. Cette décision pourra être invoquée dans d’autres affaires où des salariés sont exposés à l’amiante, mais aussi à d’autres risques professionnels.

Lire la décision : 20 novembre 2013, Cour de cassation, chambre sociale, pourvoi formé par la société Draka Paricable

L’arrêt qui était mis en cause par la société, et qui a été conforté par la Cour de cassation, est celui-ci :  16 décembre 2011, Cour d’appel de Rouen

Et voici enfin la décision du tribunal des référés, sur demande de l’inspecteur du travail, qui avait fait l’objet d’un appel par la société :  Tribunal de grande instance d’Evreux, ordonnance du 31 octobre 2011

Commentaire (rajouté le 5/12/13) :

La présence d’amiante friable justifie le retrait immédiat des salariés

Ce retrait peut être décidé par le juge des référés, à l’initiative de l’inspecteur du travail, dans l’attente d’un désamiantage. Et ce, même si la proportion de fibres d’amiante n’est pas déterminée avec précision.

Une des prérogatives de l’inspecteur du travail est la faculté de saisir le juge des référés lorsqu’il constate un risque sérieux d’atteinte à l’intégrité physique des travailleurs qui résulte de l’inobservation des dispositions du code du travail relatives à l’hygiène et à la sécurité. Cette possibilité, prévue à l’article L. 4732-1 du code du travail, vise à faire ordonner toute mesure propre à faire cesser le risque (par la mise hors service des machines, la saisie du matériel, etc.,).

A ce titre, la présence d’amiante friable (c’est-à-dire libérant des fibres d’amiante) peut justifier l’activation de la procédure de référé, et par voie de conséquence le retrait immédiat des salariés du site où ils travaillent. C’est ce que vient de préciser la Cour de cassation.
 
Dans cette affaire, les salariés d’une entreprise fabriquant des câbles s’étaient aperçus que des fibres d’amiante avaient été libérées lors d’une opération menée dans les fours du site par un sous-traitant. L’inspecteur du travail avait été alerté de la situation par le CHSCT. Celui-ci avait estimé que la gravité des faits justifiait la saisine du tribunal de grande instance en référé. Et le TGI avait, effectivement, ordonné la fermeture temporaire de l’atelier, tout en exigeant que des opérations de désamiantage et des analyses soient effectuées avant une quelconque reprise du travail (et ce, par une entreprise certifiée, conformément à la réglementation fixée par le code du travail).
 
Cependant, l’employeur estimait que cette procédure de référé avait été activée un peu trop à la légère, sans que « le risque sérieux d’atteinte à l’intégrité physique des travailleurs » soit avéré (alors que cette condition est pourtant expressément posée par l’article L. 4732-1). Selon lui en effet, comment pouvait-on parler de « risque sérieux » alors qu’en réalité au moment du référé, on ignorait dans quelle proportion les salariés se trouvaient exposés à l’absorption de fibres d’amiante ? Car si des prélèvements « surfaciques » avaient bien été effectués (sur le sol ou sur les machines), les résultats des prélèvements « atmosphériques » (dans l’air) n’étaient, en revanche, pas connus lors du référé.
 
Un tel argument a été balayé par la Cour de cassation. Pour les Hauts magistrats, l’arrêt temporaire de l’activité était bien justifié car, tout d’abord, la présence de fibres d’amiante sur le site « présentait, en soi, un danger pour les salariés qui pourraient être en contact avec elles et qui pourraient les inhaler lorsqu’ils marcheraient dans l’atelier ou lorsqu’ils manipuleraient des machines polluées ». Et contrairement à ce qu’affirme l’employeur, le fait que qu’il n’y ait pas eu de mesurage précis du taux d’empoussièrement joue ici comme un élément aggravant. En effet, pour les juges, dès lors que les salariés « étaient exposés à l’absorption de fibres d’amiante dans des proportions inconnues », le risque d’atteinte à leur intégrité physique était plausible.
 
En second lieu, les juges ont relevé que cette contamination résultait de travaux effectués sur des joints constitués d’amiante friable, sans qu’aucun confinement n’ait été effectué par le sous-traitant, ce qui caractérisait bien une violation des dispositions du code du travail relatives à l’hygiène et à la sécurité. Ainsi, les conditions posées par l’article L. 4732-1 pour permettre à l’inspecteur du travail de saisir le juge des référés étaient donc bien remplies. Et le retrait des salariés du site concerné s’imposait. Jusqu’à ce que l’entreprise ait fait procéder à une opération de décontamination. En bonne et due forme, cette fois.
 
Laetitia Divol
Dictionnaire permanent Sécurité et conditions de travail

 

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