Proposition 3 – Valeur-limite amiante

Fiche n°3

La valeur limite d’exposition professionnelle à l’amiante

Etat des lieux

La valeur limite d’exposition professionnelle (VLEP) a été fixée par le décret du 4 mai 2012 relatif à la protection des travailleurs contre les risques d’exposition à l’amiante à10F/L mesurée en microscopie à transmission analytique (META). Mais ce même décret prévoit une période transitoire de 3 ans au cours de laquelle la VLEP reste fixée à 100F/L mesurée en META.

La valeur de 10 F/L est issue de l’avis de l’Anses en date du 7 août 2009 rendu à la suite d’une saisine de la direction générale du travail visant à apprécier la pertinence du seuil réglementaire en vigueur depuis 1996 de 0,1 f/cm3 et de la méthode de mesure utilisée, la MOCP.

L’amiante est un cancérogène avéré et comme le rappelle l’Anses dans son avis destiné à la DGT du 7 aout 2009 :

«  Pour fixer une VLEP, le gestionnaire du risque doit prendre en compte les éléments suivants :

  • Aucun seuil d’effet sanitaire ne peut être déterminé chez l’homme pour les fibres d’amiante quelle que soit leur nature ou caractère dimensionnel

  • Les données disponibles sur la cancérogénicité de ces fibres sont jugées suffisantes pour dériver une relation dose-effet aux faibles doses et calculer un excès de risque sanitaire ».

L’Anses raisonne donc en estimant l’excès de cancers et de mésothéliomes en fonction des niveaux d’exposition. Pour ce faire l’Anses a retenu le même modèle que celui mis en œuvre par l’Inserm en 1996 dans l’expertise collective relative aux « effets sur la santé des principaux types d’exposition à l’amiante ». Ce sont notamment les conclusions de cette expertise de 1996 qui ont conduit les autorités publiques à interdire la commercialisation et l’utilisation de l’amiante en France et à abaisser la VLEP à 0,1 f/cm3 (100 F/L) en 1997.

Suivant le modèle retenu par l’Inserm, l’estimation du nombre de décès supplémentaires par cancer du poumon du fait d’une exposition à l’amiante à 0,1F/cm3 soit 100 F/L de l’âge de 20 ans à l’age de 65 ans est de 20 décès pour 10 000 hommes exposés. Cette estimation est de 10 décès pour 10 000 hommes exposés s’agissant du mésothéliome. Cette estimation est a minima puisqu’elle ne tient compte que des cancers du poumon et des mésothéliomes. Aucune estimation ne figurait dans le rapport Inserm 1996 pour les autres cancers associés à l’exposition à l’amiante, l’évidence de cette relation ayant été confirmée au fil du temps depuis cette date par les études récentes prises en compte par le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC). En effet, le CIRC a confirmé en mars 2011 la relation certaine entre exposition à l’amiante (tous types, toutes tailles, à fortes et faibles doses) et mésothéliome (de la plèvre, du péritoine et du péricarde), cancer du poumon, du larynx et des ovaires. Il a également considéré comme possible la relation entre exposition à l’amiante et cancer colorectal, cancer de l’estomac et du pharynx.

L’Anses, se basant sur le modèle adopté dans le rapport Inserm, précise que le risque d’excès de mortalité par mésothéliome ou cancer du poumon est de 1 pour 10 000 personnes pour une concentration de 3 F/L, de 1 pour 100 000 personnes pour une concentration de 0,3 F/L et de 1 pour 1 000 000 de personnes pour une concentration de 0,03F/L.

Ce sont ces trois valeurs que l’ANSES a proposé au gestionnaire du risque pour fixer une VLEP. Elle préconise en conclusion de son avis : «  La valeur de VLEP sur 8h de 10F/L (0,1f/cm3) est la plus basse actuellement retenue par la réglementation de nombreux pays européens. L’ANSES considère que cette valeur peut constituer pour la France une étape pertinente dans le progrès vers la réduction du risque d’exposition à l’amiante. Cependant pour ce puissant cancérogène sans effet de seuil, l’’ANSES recommande de retenir une valeur cible de 0,03 F/L qui correspond au niveau de risque de 10-6 selon le modèle retenu.

Pour l’Anses, même le seuil de 10F/L ne constitue donc qu’une étape pour supprimer les excès de risque par cancer et mésothéliome dus à l’amiante.

Dès le mois de novembre 2011, L’association Ban Asbestos et l’association Henri Pezerat ont alerté la Direction générale du travail (DGT) sur les risques de pathologies graves pour les travailleurs si la VLEP était maintenue durant 3 ans encore à 100 F/L. Nous estimons en effet préférable que les travaux de désamiantage les plus émissifs soient différés si l’état actuel des techniques ne permet pas de les réaliser en préservant la santé des travailleurs. La Direction générale du travail par courrier en date du 3 février 2012 nous a fait part de sa position. Elle indique que ce délai a vocation à permettre aux fabricants de matériel d’améliorer la performance des équipements, de collecter des données et de faire réaliser par l’INRS des mesures de facteurs de protection des équipements.

Ces arguments ne sauraient justifier le maintien de la VLEP à 100F/L. Rappelons que les employeurs sont tenus depuis 1997 d’abaisser au niveau le plus bas possible l’exposition à l’amiante. Ils auraient donc dû depuis 15 ans rechercher les techniques les moins émissives, les équipements les plus performants, solliciter les fabricants en ce sens, afin de répondre à leur obligation de sécurité de résultat en matière de prévention des maladies professionnelles. Or, s’ils ne l’ont pas fait, c’est justement parce qu’ils ont géré le risque en fonction de la VLEP fixée à 100F/L (0,1f/cm3). Une VLEP élevée ne contraint pas les employeurs à rechercher de nouvelles techniques et à solliciter les fabricants pour qu’ils mettent sur le marché de nouveaux équipements. Le retard pris dans l’abaissement de la VLEP entraînera un excès de pathologies liées à l’amiante pour les travailleurs du secteur du désamiantage et du bâtiment.

Propositions

  1. Abaisser immédiatement la valeur limite d’exposition professionnelle à 10 F/L mesurée en META

  2. Différer la réalisation des chantiers lorsque l’évaluation des risques montre que cette valeur ne pourra être respectée compte tenu de l’état des techniques et des moyens de protection individuels et collectifs

  3. Mettre en place des mesures conservatoires du type encapsulage pour les matériaux dont le retrait doit être différé.

  4. Assurer la traçabilité de la présence d’amiante qui ne peut immédiatement être retirée du fait de l’état des techniques

 

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