Proposition 1 – Fibres courtes d’amiante

Fiche n°1

L’absence de prise en compte des fibres courtes d’amiante dans les réglementations relatives à la protection des populations et des travailleurs.

Etat des lieux

Le caractère cancérogène de l’amiante est connu depuis le début des années 1930. Les industriels ont d’abord œuvré pour cacher sa nocivité. Puis ils ont discuté son caractère cancérogène en distinguant les variétés d’amiante : les amphiboles et les serpentines (chrysotile). Lorsqu’ils ont été contraints de l’admettre, ils ont développé une stratégie, la défense de « l’usage contrôlé de l’amiante », visant à promouvoir l’idée que manipulé dans de bonnes conditions l’amiante n’était pas dangereux. L’interdiction de l’amiante en France et en Europe a mis un terme à cette controverse en Europe de l’ouest, mais le débat s’est alors porté sur la nocivité des fibres en fonction de leur taille. On distingue en effet :

Les fibres courtes d’amiante (FCA) : 0,5 µ < L< 5 µ ; d < 3 µ et L/d ≥ 3

Les fibres fines d’amiante (FFA) : L >5 µ ; d < 0,2 µ et L/d ≥3

Les fibres OMS comptées en MOCP : L >5µ, 0,2 µ < d < 3µ et L/d ≥ 3

 

En 2005, la direction générale du travail et la direction générale de la santé ont saisi l’AFSSET (devenu ANSES) afin qu’elle procède à une évaluation du risque sanitaire des fibres fines et des fibres courtes d’amiante. L’ANSES a rendu son rapport en février 2009

L’ANSES reconnaît le caractère cancérogène des fibres fines d’amiante et, s’agissant des fibres courtes, que s’il n’est pas avéré, il ne peut être exclu. Or il résulte de ce même rapport que 90% des fibres analysées dans les prélèvements sont des fibres courtes. Cette position de l’ANSES ne tient pas compte des données de la toxicologie, constantes depuis plus de 20 ans, démontrant que le principal facteur de carcinogénicité des fibres d’amiante est le mécanisme physico-chimique de réactivité de surface. La dimension des fibres n’est qu’un des paramètres déterminant le caractère cancérogène ou non des fibres. Les données cliniques et épidémiologiques, elles contribuent à confirmer, année après année, l’incidence de nouveaux cas de cancer dans des populations très diversement et faiblement exposées à l’amiante, dans des situations d’empoussièrement majoritairement constitués de fibres courtes.A ce sujet, le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) a confirmé en mars 2011 la relation certaine entre exposition à l’amiante (tous types, toutes tailles, à fortes et faibles doses) et mésothéliome (de la plèvre, du péritoine et du péricarde), cancer du poumon, du Larynx et des ovaires. Il a également considéré comme possible la relation entre exposition à l’amiante et cancer colorectal, cancer de l’estomac et du pharynx.

Concernant les fibres courtes, l’ANSES souligne que la « limite de 5 microns a été choisie arbitrairement par la communauté scientifique et les gestionnaires dans les années 1960 pour sa commodité de mise en œuvre concernant les analyses métrologiques en microscopie optique », la microscopie optique à contraste de phase (MOCP) était la seule méthode existant en 1960 et ne permettait de compter ni les fibres fines ni les fibres courtes. La microscopie électronique à transmission analytique (META) permet aujourd’hui ce degré de précision.

L’ANSES a formulé des préconisations en termes d’évolutions réglementaires. S’agissant de la protection des populations dans les immeubles bâtis, elle préconise le mesurage de la concentration en fibres fines et fibres courtes d’amiante en distinguant les deux et l’établissement d’un seuil de gestion (seuil devant entraîner des travaux pour les fibres courtes, distinct de celui des fibres fines). Cette simple mesure de prudence n’a pas été reprise par le décret n° 2011-629 du 3 juin 2011 publié au journal officiel du 5 juin 2011 relatif à la protection de la population contre les risques sanitaires liés à une exposition à l’amiante dans les immeubles bâtis. Les populations qui habitent dans des immeubles contenant des matériaux amiantés continuent de ne pas savoir à quoi elles sont exposées et à ne pas être protégées en cas de niveau élevé de FCA dû à la dégradation de matériaux comme les dalles de sol par exemple qui contiennent pour l’essentiel des fibres courtes.

Concernant la protection des travailleurs, l’ANSES ne fait pas de préconisations particulières estimant qu’en abaissant la valeur limite d’exposition professionnelle on abaissera de facto la quantité de FCA inhalée par les travailleurs. Le décret n°2012-639 du 4 mai 2012 relatif aux risques d’exposition à l’amiante des travailleurs renvoie à un arrêté qui détermine « les techniques de mesures de la VLEP et des niveaux d’empoussièrement ». Les résultats de la campagne de prélèvements organisée par la direction générale du travail en 2009-2010 réalisés sur chantier de retrait d’amiante sont alarmants. Ainsi s’agissant des dalles de sol, matériau très émissif en fibres courtes, on peut atteindre 158 737 F/L lors du retrait, pour 5 566F/L en FFA et fibres supérieures à 5.

Propositions

 

  1. Concernant la protection des populations dans les immeubles bâtis, nous proposons la mise en place d’un seuil de gestion pour les fibres courtes permettant de témoigner de l’état de dégradation des matériaux contenant des fibres courtes en proportion importantes et d’un risque potentiel pour la santé des occupants. Ce seuil atteint commanderait l’obligation de réaliser des travaux.

  1. Concernant la protection des travailleurs, le décret du 4 mai 2012 fait obligation aux entreprises de réduire au plus bas possible les niveaux d’exposition et de privilégier les techniques permettant de les éviter telles que le travail robotisé, en système clos ou encore l’imprégnation à cœur des matériaux. Il impose également aux employeurs de mesurer les niveaux d’empoussièrement générés par leurs travaux. Nous proposons que la mesure de fibres courtes générées par les processus mis en œuvre soit incluse dans cette évaluation. A défaut, le risque est minoré puisqu’une part importante des fibres générées (68 % en moyenne selon les résultats de la campagne précitée) n’est pas comptée, ce qui n’incite pas les entreprises à développer des techniques permettant d’éviter les expositions.

  1. La question doit aussi se poser de la nécessité du retrait des matériaux contenant de l’amiante en l’absence de travaux et lorsque ces matériaux ne sont ni dégradés ni émissifs. Le confinement des matériaux tout en assurant la traçabilité est aussi un moyen d’éviter les expositions des travailleurs et des populations.

 

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