Santé des travailleurs et sûreté nucléaire au risque de la sous-traitance

Ce texte est l’intervention d’Annie Thébaud-Mony lors du colloque « Radioactivité et santé : risques et radioprotection » organisé au Parlement national de Bruxelles le 2 mars 2012.

Comme chercheur en santé publique, spécialiste de la santé en lien avec le travail, une partie de mes recherches concerne – depuis le début des années 1980 – les conséquences de la sous-traitance des risques sur la santé des travailleurs extérieurs (prestataires, intérimaires) et la sûreté des installations de sites industriels d’entreprises ayant recours à la sous-traitance des travaux de maintenance. Cet exposé prend appui sur mes recherches portant sur ce thème ayant fait l’objet de publications scientifiques entre 1992 et 2012. En particulier, dans le cadre de conventions avec le ministère du travail et le fonds d’intervention en santé publique, j’ai mené une enquête pendant dix ans auprès de travailleurs sous-traitants intervenant dans la maintenance des installations nucléaires, et je continue mes recherches sur ce thème. Je participe également depuis plus de vingt ans à un réseau international des chercheurs en sciences sociales (sociologues et juristes, principalement) qui, dans le cadre d’une démarche comparatiste, étudient l’impact de la « désorganisation du travail » par la sous-traitance sur la santé des travailleurs et la sûreté industrielle.
Dès la fin des années 1970, des chercheurs – juristes et sociologues en particulier – ont attiré l’attention des industriels et des pouvoirs publics sur les risques associés au recours à la sous-traitance dans les industries à haut risque. L’une des premières études est celle d’un juriste, Bernard Rettenbach, qui insiste sur le démantèlement de fait des relations contractuelles – dans le cadre d’activités sous-traitées – entre celui qui prescrit le travail (le donneur d’ordre) et ceux qui l’exécutent (les salariés d’entreprises extérieures. Bernard Rettenbach tentait alors d’attirer l’attention du Ministère de la justice sur les conséquences graves d’un tel démantèlement – lié à la mise en application de la loi de 1975 autorisant la sous-traitance – pour la santé et la sécurité sur les sites industriels.
Les derniers rapports faisant état de la sous-traitance des opérations de maintenance de l’industrie nucléaire (IRSN,  Office parlementaire des choix technologiques (Claude Birraux), ASN) comportent d’importants angles morts. Tout d’abord, aucun des rapports précédemment cités n’a sollicité le témoignage direct des salariés de la sous-traitance. Les rapports de l’IRSN et de l’Office parlementaire d’évaluation des choix technologiques ont en commun de témoigner d’une préoccupation grandissante par rapport à l’impact de la sous-traitance sur la sûreté. Cependant l’attention portée aux aspects administratifs de la gestion du travail sous-traité (critères dans les conditions d’appel d’offre, besoins de formation, la surveillance des prestataires) laisse de côté le principal enseignement des sciences du travail : la différence entre travail prescrit et travail réel et l’importance d’une connaissance effective de l’activité.
Fondé sur mes propres enquêtes et les données scientifiques actuelles sur le thèmes des relations entre radioactivité et santé, mon exposé comportera trois parties :
I – Nombre et activités de salariés d’entreprises prestataires intervenant en zones contrôlées et surveillance de la dosimétrie
II – quelle équivalence de connaissances scientifiques et de protection de la santé entre agents EDF et prestataires ?
III – Le rôle de la sous-traitance dans la survenue des accidents industriels et la gestion post-accidentelle

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